Il croyait sans cesse entendre le parquet chanter[1] pour
trahir la présence d'un intrus dans le château endormi. À chaque instant, alors
que l'épuisement l’emportait sur sa volonté et lestait ses paupières de poids
invisibles, il avait l’impression de voir des silhouettes fantasmatiques se
dessiner dans l'ombre et était de nouveau tout à fait alerte. Ses mains
tremblaient de l'énergie inquiète qui faisait vibrer ses nerfs, et son cœur
cognait dans sa poitrine.
Lorsqu'une
aube nouvelle vit la fin de son service, il regagna la demeure de ses parents
d'un pas las. À présent qu'il avait quitté le lieu où il avait rencontré
Shikibu Heinaï, il était épuisé au point que mettre un pied devant l'autre devenait
une épreuve. Mais, une fois dans son futon, ses pensées s'emballèrent une fois
de plus et le sommeil recommença à le fuir telle une proie effarouchée que
Sekinaï était condamné à poursuivre dans une chasse infructueuse.
Les jours suivants s'écoulèrent de la même manière.
Sekinaï cherchait la trace de Shikibu Heinaï durant tous ses moments de loisir
sans aucun succès. L'homme le préoccupait au point qu'il ne parvenait toujours pas
à prendre le moindre repos. Autour de lui, on remarquait peu à peu son manque
d'appétit et les marques de la fatigue sur son visage. On murmurait qu'il était
tombé amoureux d'une courtisane de haut rang et qu'il se consumait de désespoir
à l'idée de ne pouvoir la racheter. On lui prêtait de terribles passions et des
désespoirs plus terribles encore. Sekinaï n'y accordait aucune attention,
occupé qu’il était par sa quête vaine et l'insomnie qui rendait chaque jour
plus long que le précédent.
[1]
Référence au système du "parquet rossignol" : de fines lames de métal
sont insérées sous le plancher de sorte que le moindre pas le fasse grincer,
produisant un son rappelant le chant du rossignol... et permettant de détecter
les intrus
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